Psychotrauma : quand la mémoire s’efface mais que les émotions survivent.


Pourquoi certaines victimes de psychotraumatisme disent-elles ne plus se souvenir de ce qu’elles ont vécu, alors que leur corps et leurs émotions semblent, eux, ne rien avoir oublié ?
Cette question, qui revient souvent en consultation, touche au cœur même du fonctionnement du cerveau face au danger. Lorsqu’un choc dépasse la capacité d’adaptation d’une personne, la mémoire ne réagit plus comme d’habitude. Elle se fragmente, se met en retrait, parfois même se suspend.
Comprendre ces mécanismes est essentiel, tant pour les patients que pour les professionnels, car derrière le “trou noir” se cache un processus biologique de survi, et non une faiblesse psychologique.

Le cerveau fait alors face à la menace, et l'architecture en est bouleversée.
Face à une situation extrême, le cerveau active immédiatement son mode d’urgence. Les hormones du stress (cortisol, adrénaline) submergent le système nerveux. Cette déferlante n’a qu’un objectif : tenir, survivre, faire face.
Mais ce mode "survie" a un prix :
- les circuits émotionnels restent hyperactifs,
- la mémoire autobiographique se met en pause,
- la perception du temps et du réel peut se distordre.

Deux systèmes vont alors évoluer dans des directions opposées :
• La mémoire implicite : elle enregistre en profondeur.
Elle encode les sensations, les images fugitives, les réactions corporelles et les émotions primaires. Une odeur, un bruit métallique, une posture… tout peut devenir un marqueur sensoriel puissant.

• La mémoire explicite : elle décroche.
Normalement, c’est elle qui permet de raconter un événement de manière ordonnée. Mais sous stress extrême, l’hippocampe (structure clé de cette mémoire) se désactive. Résultat : le cerveau ne parvient plus à enregistrer l’expérience comme une histoire continue.
L’événement est stocké comme une mosaïque de fragments, parfois sans logique apparente.

La dissociation : une “sortie de secours” neuropsychologique.
Ce phénomène accompagne souvent les violences, les accidents, les agressions ou les abus. Pendant le choc émotionnel, la personne peut ressentir :
• une impression de flotter,
• une vision comme dédoublée,
• un détachement émotionnel,
• un sentiment irréel,
• l’impression de regarder la scène à distance.
Cette dissociation protège l’esprit sur le moment… mais elle fragilise l’intégration du souvenir.

Pourquoi l’oubli ne nous guérit-il pas ?
Ne plus se rappeler des détails ne signifie pas que le traumatisme est résolu. Les fragments sensoriels restés en mémoire implicite continuent d’activer des réactions automatiques : flashbacks visuels ou émotionnels, hypervigilance, anxiété diffuse, tensions corporelles persistantes, cauchemars, évitements.
Le cerveau continue d’interpréter certains stimuli comme des menaces. Comme si le danger était toujours là.

Traiter le trauma : transformer les fragments en histoire.
Les approches thérapeutiques modernes ont un objectif clair : remettre du lien entre les pièces du puzzle, diminuer la charge émotionnelle et, surtout, restaurer la sécurité interne.

EMDR, EMDR-IMO et EMDR Intégrative : une place centrale.
Les thérapies par mouvements oculaires, dont l’EMDR, l’EMDR-IMO et les approches intégratives enseignées et utilisées aujourd’hui en France, s’appuient sur un mécanisme neuropsychologique proche du traitement naturel du sommeil paradoxal.

Elles permettent :
• de désensibiliser les fragments émotionnels,
• de réduire l’intensité des sensations automatiques,
• d’organiser peu à peu un récit cohérent,
• d’apaiser durablement le système d’alarme.

Les TCC spécialisées et les approches corporelles.
Les thérapies cognitives axées trauma, l’hypnose thérapeutique, les interventions corporelles (respiration, cohérence cardiaque, travail somatique) complètent ce travail en réapprenant au corps à sortir de l’état d’urgence.

Reconstruire sa mémoire, mais pas pour retrouver tout à l’identique.
Contrairement à une idée reçue, l’objectif thérapeutique n’est pas de recouvrer un souvenir parfait. Il s’agit plutôt de permettre au cerveau de réorganiser ce qui a été vécu, d’en réduire l’impact émotionnel, et de faire en sorte que le passé cesse d’envahir le présent.
Lorsque les fragments trouvent leur place dans une narration plus stable, l’alarme interne s’apaise.
Le traumatisme n’est plus un déclencheur permanent : il redevient un chapitre de l’histoire personnelle, et non une menace toujours active.


- Formateur en Hypnose Médicale, Ericksonienne et EMDR - IMO au CHTIP Collège Hypnose Thérapies… En savoir plus sur cet auteur




Rédigé le 05/12/2025 à 11:39 | Lu 35 fois modifié le 05/12/2025